Saga Postale – Épisode 2 : Apostalypse now !

Cher Journal,

Ça fait longtemps hein ? Ne m’en veut pas s’il te plaît. Les jours se sont succédé à un rythme fou et prendre du temps pour moi, enfin pour nous, n’a pas été possible. Tous les jours le même choix cornélien s’offrant à moi : tenter de resquiller, prendre de plus en plus de risques ou jouer la sécurité pour finir la mission.

C’est ma troisième opération sous le drapeau jaune. Je savais dans quoi je m’embarquais mais … Je dois me faire trop vieux pour ces conneries comme on dit dans les films.

Laisse-moi te décrire mon quotidien pour que tu saches un peu comment je vis. Une journée « lambda » se déroule comme suit.

7h30 : je rejoins ma position et entame le tri. Mais ça, tu le sais déjà. Par moment, des collègues moins débordés, plus empathiques ou les deux viennent me prêter main-forte. Je les aime mes camarades. On se chambre gentiment et on rigole pour affronter la dure monotonie du casier.

10h : tous ceux de mon secteur sont déjà partis sur le terrain.  De mon côté, si j’ai de la chance, je commence à charger mon fardier. C’est le nom affectueux que j’ai donné à mon véhicule. En fait, s’il change tout le temps, sa qualité est d’une consternante régularité  : il faudrait même créer une nouvelle catégorie pour ça. Oui, c’est ça ! Il faudrait transposer le concept de mort-vivant au monde mécanique. Mais la voiture de Beetlejuice n’est pas un bon élément de comparaison. Dans mon souvenir, elle a des freins, voire même de l’adhérence. En fait, il y a aussi des véhicules neufs mais tu sais ce qu’on dit : premier arrivé, premier servi. Le chargement est toujours un moment étrange. Je peux observer le regard lourd de compassion ou de stupéfaction d’autres collègues en pause. Certains me témoignent même un certain respect d’autant plus qu’il me faut souvent plusieurs chariots pour transporter caisses de lettres et colis. L’état-major m’a envoyé sur la tournée la plus longue paraît-il.

12h30 : j’ai achevé peut-être le tiers de ma tournée. Un secteur rural à la route peu entretenue… Enfin quand il y a une route ! Mais ce n’est pas ça le plus gênant, non, ni même le trajet à mémoriser. Il faut être constamment à l’affût pour trouver ces saletés de boîtes aux lettres. Elles peuvent être n’importe où… Sur un muret, dans des fourrés ou à même le sol. Dans ces zones, rares sont celles qui paradent. C’est comme si les gens voulaient se cacher. Héhé ! J’en ris parce que j’arrive à les comprendre en fait, je dois être moi-même un peu « sauvage ». Ha oui ! Et il faudrait que je te parle de la faune aussi : la frange la plus dangereuse est composée de molosses teigneux, vindicatifs voire franchement enragés ! Mais, je ne te refais pas le cliché du chien et du facteur.

fufubox
« Je ne comprends pas ! Cela fait une semaine que je ne reçois plus de courriers ! En France et à notre époque ! Mais où va-t-on ! »

14h30 : c’est la pause, une petite demi-heure avant de repartir. A vrai dire, je ne sais même pas à combien de temps j’ai droit. Personne ne m’en a informé et je n’ai pas demandé. A ce moment, la zone résidentielle est presque terminée. C’est ma partie préférée : le travail avance vite car toutes les boîtes ont un numéro et sont aisément repérables. Par contre, je ne compte plus mes entrées et sorties du fardier : ça fait les cuisses.

15h30 : l’heure à laquelle la factrice en charge de ce secteur finit, et c’est déjà une heure en retard, alors tu penses bien que pour moi… J’avance péniblement et à tâtons sur les sentiers accompagnés seulement de nuages de terre et de poussière que je soulève. Tu l’as compris, je suis à nouveau en pleine cambrousse. Mais j’ai fini par apprécier ces moments : la rudesse du paysage, la solitude et la radio qui émet de la musique classique rendent moins amer le goût de terre que j’ai dans la bouche.

17h : et c’est le retour au bercail ! Enfin ! Ne reste plus qu’à vider fardier, trier les lettres malencontreusement adressées et rendre reco et colis dont les récipiendaires étaient absents. Je m’arrache. J’ai fait entre 5 et 6 heures de voitures et il faut encore que je regagne mon domicile, je te laisse deviner comment. Bref, certains affirment qu’on a pas à se plaindre, qu’au moins, on a du travail. Ça me fait doucement rigoler mais peut-être n’ont-ils pas tort. Après tout, on est lundi, mon contrat court pour toute la semaine et on m’a averti avant-hier à 15h30 que mes bons états de service me donnaient droit à une prolongation d’une semaine.

L’heure tourne et il faut vraiment que j’aille me reposer Cher Journal. Je pense à toi très fort et je fais au mieux pour t’écrire le plus rapidement possible.

Gros Bisous.

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